Ce matin (30 décembre), entre 6 h et 6h30, j'ai été très choquée d'entendre le journaliste d'Inter parler de l'invitation par M. Dieudonné de "l'historien négationniste Robert Faurisson". Si l'on veut vraiment mettre en avant les titres universitaires de ce monsieur, on peut peut-être se référer à sa carte de visite qui indique : "Robert Faurisson, maître de conférences. Littérature française du XXe siècle. Spécialité: critique de textes et documents".
Rappelons que, pour être historien, il faut avoir soutenu une thèse dans cette discipline, mais il faut également se soumettre régulièrement à la critique de ses pairs (c'est la fonction des colloques et des publications dans des revues à comité de lecture), et se soumettre à une déontologie historienne qui, si elle n'interdit aucun sujet de recherche, implique la mise en oeuvre d'une méthode éprouvée (critique interne et externe des sources), la transparence quant à ses affirmations (c'est la fonction des notes de bas de page, qui sont autant de références auxquelles le lecteur peut retourner s'il veut s'assurer de la vérité du discours historique qui lui est servi) et la bonne foi.
Lors de son procès en 1981, c'est d'ailleurs à ce titre que M. Faurisson a été condamné,le tribunal déclarant que « sans avoir à rechercher si un tel discours constitue ou non une “falsification de l’histoire” [… il est avéré que] M. Faurisson manque aux obligations de prudence, de circonspection objective et de neutralité intellectuelle qui s’imposent au chercheur qu’il veut être ». Si l'historien n'a pas de "serment de Clio" comme le médecin a un "serment d'Hippocrate", il n'en demeure pas moins qu'il a une déontologie. À bon entendeur...
J'en profite pour faire un rapide tour d'horizon de ces condamnations "sur la forme" de propos négationnistes. Dans un certain nombre de procès, c’est en fait la façon de faire de l’histoire qui est jugée, la forme du travail donc, mais pas le fond. Par rapport à la jurisprudence du crime contre l’humanité, cela soulève évidemment un problème : on risque de voir le juge « dire l’histoire » ou même dire quelle est la bonne méthode historique. En fait, dans la mesure où la justice, en tant qu’institution étatique, doit rester neutre pour ne pas brider la recherche scientifique, le juge doit marcher sur des œufs. Il s’agit pour lui de se prononcer non sur le résultat du travail de l’historien, mais sur sa méthode et sa déontologie. Il ne s’agit pas de défendre une vérité officielle, mais de trancher sur la qualité du travail de l’historien.
1. Zeev Sternhell versus Bertrand de Jouvenel à propos du livre Ni droite, ni gauche : l’idéologie fasciste en France, Paris, Fayard, 2000, 543 p. (octobre 1983)
Dans cet ouvrage, Sternhell rappelle le passé du politologue Bertrand de Jouvenel et ses idées proches du fascisme. Il cherche à démontrer que l’idéologie fasciste s’est développée en France dans les années 1930 en le citant, et ce dernier le poursuit donc pour diffamation. L’historien est condamné au motif qu’il aurait dû questionner des témoins de l’époque (ce qu’il n’a pas fait) et qu’il a même récusé le témoignage de Bertrand de Jouvenel. Ce n’est pas sur l’existence ou non des faits historiques que le juge se prononce, mais sur le caractère diffamatoire ou attentatoire à la mémoire du récit de l’historien.
Intervention d’Ernst Nolte, François Furet, Raoul Girardet, Maurice Agulhon, Jean-Pierre Azéma, René Rémond, Eugen Weber, George Mosse, etc… tous à la demande de Zeev Sternhell. Ce dernier est pourtant condamné pour diffamation.
2. Affaire Bernard Lewis
L’historien américain Bernard Lewis est poursuivi par diverses associations parce qu’il nie le caractère génocidaire des massacres d’arméniens perpétrés en 1915 (mais il ne nie pas leur existence, attention !). Il est condamné par le tribunal, mais pas sur le fond de l’affaire. « Les tribunaux n’ont pas pour mission d’arbitrer ou de trancher les polémiques ou controverses qu’ils sont susceptibles de provoquer, de décider comment doivent être représentés et caractérisés tel ou tel épisode de l’histoire nationale ou mondiale », déclare le juge. En revanche, c’est la responsabilité de l’historien en tant que tel qui est engagée car « l’historien engage sa responsabilité envers les personnes concernées lorsque par dénaturation ou par falsification, il présente comme véridiques des allégations manifestement erronées ou omet, par négligence grave, des événements ou opinions rencontrant l’adhésion de personnes assez qualifiées et éclairées pour que le souci d’une exacte information lui interdise de les passer sous silence ». Lewis est donc condamné, par comparaison de son discours avec celui d’autres historiens.
Rappelons que, pour être historien, il faut avoir soutenu une thèse dans cette discipline, mais il faut également se soumettre régulièrement à la critique de ses pairs (c'est la fonction des colloques et des publications dans des revues à comité de lecture), et se soumettre à une déontologie historienne qui, si elle n'interdit aucun sujet de recherche, implique la mise en oeuvre d'une méthode éprouvée (critique interne et externe des sources), la transparence quant à ses affirmations (c'est la fonction des notes de bas de page, qui sont autant de références auxquelles le lecteur peut retourner s'il veut s'assurer de la vérité du discours historique qui lui est servi) et la bonne foi.
Lors de son procès en 1981, c'est d'ailleurs à ce titre que M. Faurisson a été condamné,le tribunal déclarant que « sans avoir à rechercher si un tel discours constitue ou non une “falsification de l’histoire” [… il est avéré que] M. Faurisson manque aux obligations de prudence, de circonspection objective et de neutralité intellectuelle qui s’imposent au chercheur qu’il veut être ». Si l'historien n'a pas de "serment de Clio" comme le médecin a un "serment d'Hippocrate", il n'en demeure pas moins qu'il a une déontologie. À bon entendeur...
J'en profite pour faire un rapide tour d'horizon de ces condamnations "sur la forme" de propos négationnistes. Dans un certain nombre de procès, c’est en fait la façon de faire de l’histoire qui est jugée, la forme du travail donc, mais pas le fond. Par rapport à la jurisprudence du crime contre l’humanité, cela soulève évidemment un problème : on risque de voir le juge « dire l’histoire » ou même dire quelle est la bonne méthode historique. En fait, dans la mesure où la justice, en tant qu’institution étatique, doit rester neutre pour ne pas brider la recherche scientifique, le juge doit marcher sur des œufs. Il s’agit pour lui de se prononcer non sur le résultat du travail de l’historien, mais sur sa méthode et sa déontologie. Il ne s’agit pas de défendre une vérité officielle, mais de trancher sur la qualité du travail de l’historien.
1. Zeev Sternhell versus Bertrand de Jouvenel à propos du livre Ni droite, ni gauche : l’idéologie fasciste en France, Paris, Fayard, 2000, 543 p. (octobre 1983)
Dans cet ouvrage, Sternhell rappelle le passé du politologue Bertrand de Jouvenel et ses idées proches du fascisme. Il cherche à démontrer que l’idéologie fasciste s’est développée en France dans les années 1930 en le citant, et ce dernier le poursuit donc pour diffamation. L’historien est condamné au motif qu’il aurait dû questionner des témoins de l’époque (ce qu’il n’a pas fait) et qu’il a même récusé le témoignage de Bertrand de Jouvenel. Ce n’est pas sur l’existence ou non des faits historiques que le juge se prononce, mais sur le caractère diffamatoire ou attentatoire à la mémoire du récit de l’historien.
Intervention d’Ernst Nolte, François Furet, Raoul Girardet, Maurice Agulhon, Jean-Pierre Azéma, René Rémond, Eugen Weber, George Mosse, etc… tous à la demande de Zeev Sternhell. Ce dernier est pourtant condamné pour diffamation.
2. Affaire Bernard Lewis
L’historien américain Bernard Lewis est poursuivi par diverses associations parce qu’il nie le caractère génocidaire des massacres d’arméniens perpétrés en 1915 (mais il ne nie pas leur existence, attention !). Il est condamné par le tribunal, mais pas sur le fond de l’affaire. « Les tribunaux n’ont pas pour mission d’arbitrer ou de trancher les polémiques ou controverses qu’ils sont susceptibles de provoquer, de décider comment doivent être représentés et caractérisés tel ou tel épisode de l’histoire nationale ou mondiale », déclare le juge. En revanche, c’est la responsabilité de l’historien en tant que tel qui est engagée car « l’historien engage sa responsabilité envers les personnes concernées lorsque par dénaturation ou par falsification, il présente comme véridiques des allégations manifestement erronées ou omet, par négligence grave, des événements ou opinions rencontrant l’adhésion de personnes assez qualifiées et éclairées pour que le souci d’une exacte information lui interdise de les passer sous silence ». Lewis est donc condamné, par comparaison de son discours avec celui d’autres historiens.