mardi 30 décembre 2008

Affaire Faurisson / Dieudonné, suite (et fin, on l'espère)

Ce matin (30 décembre), entre 6 h et 6h30, j'ai été très choquée d'entendre le journaliste d'Inter parler de l'invitation par M. Dieudonné de "l'historien négationniste Robert Faurisson". Si l'on veut vraiment mettre en avant les titres universitaires de ce monsieur, on peut peut-être se référer à sa carte de visite qui indique : "Robert Faurisson, maître de conférences. Littérature française du XXe siècle. Spécialité: critique de textes et documents".
Rappelons que, pour être historien, il faut avoir soutenu une thèse dans cette discipline, mais il faut également se soumettre régulièrement à la critique de ses pairs (c'est la fonction des colloques et des publications dans des revues à comité de lecture), et se soumettre à une déontologie historienne qui, si elle n'interdit aucun sujet de recherche, implique la mise en oeuvre d'une méthode éprouvée (critique interne et externe des sources), la transparence quant à ses affirmations (c'est la fonction des notes de bas de page, qui sont autant de références auxquelles le lecteur peut retourner s'il veut s'assurer de la vérité du discours historique qui lui est servi) et la bonne foi.
Lors de son procès en 1981, c'est d'ailleurs à ce titre que M. Faurisson a été condamné,le tribunal déclarant que « sans avoir à rechercher si un tel discours constitue ou non une “falsification de l’histoire” [… il est avéré que] M. Faurisson manque aux obligations de prudence, de circonspection objective et de neutralité intellectuelle qui s’imposent au chercheur qu’il veut être ». Si l'historien n'a pas de "serment de Clio" comme le médecin a un "serment d'Hippocrate", il n'en demeure pas moins qu'il a une déontologie. À bon entendeur...

J'en profite pour faire un rapide tour d'horizon de ces condamnations "sur la forme" de propos négationnistes. Dans un certain nombre de procès, c’est en fait la façon de faire de l’histoire qui est jugée, la forme du travail donc, mais pas le fond. Par rapport à la jurisprudence du crime contre l’humanité, cela soulève évidemment un problème : on risque de voir le juge « dire l’histoire » ou même dire quelle est la bonne méthode historique. En fait, dans la mesure où la justice, en tant qu’institution étatique, doit rester neutre pour ne pas brider la recherche scientifique, le juge doit marcher sur des œufs. Il s’agit pour lui de se prononcer non sur le résultat du travail de l’historien, mais sur sa méthode et sa déontologie. Il ne s’agit pas de défendre une vérité officielle, mais de trancher sur la qualité du travail de l’historien.

1. Zeev Sternhell versus Bertrand de Jouvenel à propos du livre Ni droite, ni gauche : l’idéologie fasciste en France, Paris, Fayard, 2000, 543 p. (octobre 1983)
Dans cet ouvrage, Sternhell rappelle le passé du politologue Bertrand de Jouvenel et ses idées proches du fascisme. Il cherche à démontrer que l’idéologie fasciste s’est développée en France dans les années 1930 en le citant, et ce dernier le poursuit donc pour diffamation. L’historien est condamné au motif qu’il aurait dû questionner des témoins de l’époque (ce qu’il n’a pas fait) et qu’il a même récusé le témoignage de Bertrand de Jouvenel. Ce n’est pas sur l’existence ou non des faits historiques que le juge se prononce, mais sur le caractère diffamatoire ou attentatoire à la mémoire du récit de l’historien.
Intervention d’Ernst Nolte, François Furet, Raoul Girardet, Maurice Agulhon, Jean-Pierre Azéma, René Rémond, Eugen Weber, George Mosse, etc… tous à la demande de Zeev Sternhell. Ce dernier est pourtant condamné pour diffamation.

2. Affaire Bernard Lewis
L’historien américain Bernard Lewis est poursuivi par diverses associations parce qu’il nie le caractère génocidaire des massacres d’arméniens perpétrés en 1915 (mais il ne nie pas leur existence, attention !). Il est condamné par le tribunal, mais pas sur le fond de l’affaire. « Les tribunaux n’ont pas pour mission d’arbitrer ou de trancher les polémiques ou controverses qu’ils sont susceptibles de provoquer, de décider comment doivent être représentés et caractérisés tel ou tel épisode de l’histoire nationale ou mondiale », déclare le juge. En revanche, c’est la responsabilité de l’historien en tant que tel qui est engagée car « l’historien engage sa responsabilité envers les personnes concernées lorsque par dénaturation ou par falsification, il présente comme véridiques des allégations manifestement erronées ou omet, par négligence grave, des événements ou opinions rencontrant l’adhésion de personnes assez qualifiées et éclairées pour que le souci d’une exacte information lui interdise de les passer sous silence ». Lewis est donc condamné, par comparaison de son discours avec celui d’autres historiens.

dimanche 28 décembre 2008

Oui, "on peut rire de tout, mais pas avec n'importe qui" (Desproges)


À l'heure où l'humoriste (??) Dieudonné dérape encore, et invite le négationniste (je souligne, on entend trop souvent parler de "révisionniste", attitude normale en histoire) Robert Faurisson, condamné à plusieurs reprises pour avoir nié le génocide des juifs, afin de lui remettre “le prix de l’infréquentabilité et de l’insolence”, prix remis par son technicien Jacky dans “son habit de lumière”, à savoir vêtu en déporté juif (qu'est-ce qu'on se marre...), et pour sortir d'une polémique stérile dans laquelle on n'a d'ailleurs guère envie d'entrer (personnellement, j'évite de discuter avec les imbéciles), je vous invite à vous rendre au musée des Beaux-Arts de Lyon, où se tient à l'heure actuelle une magnifique exposition temporaire : "1945-1949. Repartir à zéro,comme si la peinture n'avait jamais existé". Les œuvres exposées sont peu connues, et le parcours muséographique est passionnant. En 1945, le monde se réveille du long cauchemar de la Seconde Guerre mondiale, entre joie et désespoir, joie d'une liberté retrouvée, désespoir de constater que le pire avait eu lieu. L'humanité a prouvé qu'elle était capable de se détruire elle-même, jusqu'à l'innommable. Il semble qu'il faille aujourd'hui, plus que jamais, nommer l'innommable, pour qu'il ne soit plus possible que le Zénith de Paris soit plein de spectateurs hilares à ce genre de "plaisanteries". Dans cette exposition, ce sont les diverses modalités d'expression nouvelles envisagées par les artistes au lendemain de la guerre qui sont explorées. La question centrale : "comment continuer à faire de l'art au lendemain de l'horreur ? comment exprimer ces atrocités alors même qu'elles relèvent de l'inimaginable ?".
Du coup, j'en profite pour évoquer la figure de Pierre Vidal-Naquet (1930-2007), grand spécialiste de la Grèce antique et intellectuel engagé. Né dans une famille juive, il a 9 ans lorsqu'éclate la guerre. Il raconte en ces termes sa découverte de l'histoire : « Toute ma vie a été marquée par le récit que m'a fait mon père à la fin de 1941 ou au début de 1942 de l'affaire Dreyfus [...] C'est aussi à travers l'Affaire que j'ai été formé non seulement à la politique mais à la morale et à l'histoire. » En mai 1944, ses parents furent arrêtés à Marseille puis déportés à Auschwitz où ils furent exterminés. Cette expérience l’incita plus tard à s’engager dans la vie de la cité, en tant qu’historien. Il est une des grandes figures de la lutte contre le négationnisme. La suite est à lire ici : Vidal Naquet

mardi 16 décembre 2008

Histoire et mémoire

Pour vous mettre en jambe, en attendant la conférence de Gilles Boyer sur "Histoire et mémoire" demain matin (jeudi 19 décembre), ainsi que pour préparer mon TD (pour ceux qui le suivent), je mets en ligne un dossier du Monde paru en septembre 2006 qui s'interroge sur les liens qui existent entre colonisation et immigration. Question d'actualité s'il en est.
J'y ajoute quelques liens intéressants, pour d'éventuelles lectures :
- Vers la revue Hommes & Migrations, dont le n°1228 porte sur "L'héritage colonial"
- Vers le site de l'ACHAC (Association pour la Connaissance de l'Histoire de l'Afrique Contemporaine) qui mène de très nombreux travaux sur le sujet

De la colonisation à l’immigration

mardi 9 décembre 2008

10 décembre 1948 - 10 décembre 2008 : La Déclaration universelle des droits de l'homme a 60 ans.


La réunion de l'assemblée de l'ONU au Palais Chaillot (Paris), 1948.

Et on en profite pour faire une petite mise au point, à compléter bien sûr. Je vous rappelle que la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen (1789) et la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948) sont au programme d'éducation civique en 4e, et que vous devez connaître le contenu des manuels de la 6e à la 3e pour l'ESD.

La DDHC : 17 articles mêlant des dispositions concernant les droits des Hommes (Français, étrangers ou ennemis) qui reprennent des dispositions du Droit des gens, les droits des citoyens (Français) qui rappellent ou renforcent les libertés publiques et les droits de la Société (Nation)qui sont, à proprement parler, constituants. La DDHC est intégrée à la Constitution française (cf. le préambule). Ses dispositions sont de droit positif et et, se plaçant au sommet de la hiérarchie des normes , irriguent l'ensemble du droit français.

La DUDH : Adoptée à Paris à l'initiative de la toute jeune ONU, elle compte 30 articles précise les droits humains fondamentaux. John Peter Humphrey, Eleanor Roosevelt et René Cassin en furent les principaux auteurs. Sans véritable portée symbolique, ce texte a cependant la valeur d'une proclamation de droits.

Pour compléter tout ça, évidemment, voyez le site de France culture, qui consacre ses programmes du jour à cet anniversaire. Émissions, bibliogrpahies, sites internet... tout un dossier sur le sujet. À consulter sans modération.

Au fait, il existe aussi une Convention européenne des droits de l'homme, signée à l'occasion de la conclusion de Traité de Rome. Ce texte juridique international a pour but de protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales en permettant un contrôle judiciaire du respect de ces droits individuels. Il se réfère à la DUDH. Mais là, on retrouve votre programme...

Bon travail.

jeudi 4 décembre 2008

Les lois en histoire

Une petite réflexion philosophique, sur la question des lois en histoire pour que, dans le cas d'un sujet sur les lois et l'histoire, vous ne pensiez pas seulement aux (trop ?) fameuses lois mémorielles. Bonne lecture.
Lois en Histoire

Pour réfléchir sur le concept de "génocide"


En ligne, mes notes de la conférence donnée il y a 2 ans à l'IUFM par Joël Kotek, sur la notion de "génocide", pour poser avec fermeté la définition des termes.
Docteur de l'IEP de Paris, Joël Kotek travaille au Centre de documentation juive contemporaine (CDJC). Il est secrétaire général du Centre d'études sur l'antisémitisme et la Shoah (CEESAG) et maître de conférence à l'Université libre de Bruxelles. Il enseigne aussi à l'ESJ de Lille et à l'IEP de Paris. Joël Kotek est l'auteur d'ouvrages de référence traduits en plusieurs langues.
Conf. Kotek Génocide

mardi 2 décembre 2008

Pérégrinations sur le net

On trouve parfois des merveilles sur internet. Vous pouvez consulter à l'adresse suivante : http://barthes.ens.fr/clio/outils/biblios/histhist.html une bibliographie concernant l'histoire de l'histoire et les tendances récentes de l'historiographie.

lundi 1 décembre 2008

Une fiche sur "Faits et récits" par Vincent Porhel

En ligne, une fiche sur "faits et récits" réalisée par Vincent Porhel :
Faits et récits
 
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